[RP] Mémoires (quand je m'ennuie, je backgrounde xD)

Aestylam se trouvait dans son château, au sommet de la plus haute tour, là où la vue magnifique sur les forêts verdoyantes du Sommerlund l'inspirait le plus. La pièce en elle-même était dénudée, il y avait pour tout mobilier une table et une chaise. Sur cette table, un parchemin, de l'encre. Sur cette chaise, la Dame, une plume à la main, commençait à écrire...

Je ne me souviens pas du visage de mes parents. J'avais environ six ans la dernière fois que je les ai vus, mais leur visage ne m'est pas resté. C'est triste à dire, mais pour moi, mes parents sont ceux qui m'ont permis de vivre les six premières années de ma vie, c'est tout ! Pourtant, il n'en a pas toujours été ainsi. Jadis, je les ai aimés, et quand je les ai perdus, j'ai ressenti la plus grande tristesse du monde, mais aujourd'hui, ces sentiments me sont devenus étrangers.

Mes parents devaient tous deux être serfs quelque part dans Inutopia, car le premier souvenir visuel que j'ai est celui d'une ferme qui brûle. Et cette ferme, c'est chez moi. Je suis en haut d'une colline, avec quelques branches dans les bras, que je comptais ramener pour faire des châtaignes au feu de bois. Mais je ne reverrai plus la cheminée destinée à les cuire. Mes parents non plus. Sont-ils morts ? En vérité je n'en sais rien. Seulement, j'ai vu des brigands sortir de chez moi avec tout l'or que nous possédions, leurs armes tâchées de sang. J'ai pris peur, et je me suis allongée dans les hautes herbes. Les brigands rient. Je voudrais les tuer, mais je sais que je n'en ai ni la force, ni le courage.

J'ai dû m'assoupir, car la nuit est tombée. J'ai trop peur de voir des horreurs pour retourner dans ce qui était ma maison, alors je repars de l'autre côté, dans la montagne.

Après, je ne sais plus. Enfin, si, je sais que j'ai erré dans les montagnes, luttant pour survivre. Comme jadis maman m'avait longuement parlé des baies, comestibles ou pas, je pus me nourrir de cette maigre pitance. J'essayai, comme papa, de tendre des pièges pour attraper des animaux, sans grand succès. Une seule fois, je réussis à prendre un lièvre dans mon collet, mais je ne pus me résoudre à l'achever et dus le relâcher dans la nature.
La plus grande difficulté était d'éviter les prédateurs. Pendant tout le temps que j'ai passé dans la forêt, j'ai dormi dans la cabane que mon père m'avait jadis aidée à construire. Habiter ce lieu m'était insupportable, mais c'était ça ou la mort. Et mon instinct de survie a toujours été trop développé pour que je puisse choisir la mort.

Au début, j'espérais encore que quelqu'un s'aperçoive que je n'étais pas morte. Pourtant, au bout de quelque semaine passée sans que je voie aucune recherche, je perdis espoir. Tout le temps que je ne passais pas à chercher à manger, je ressassais ma rancoeur. Envers les bandits qui m'avaient ôté ma vie paisible et toute tracée. Envers les villageois qui ne venaient pas me chercher. Enfin, envers l'humanité entière, qui abandonnait ses enfants dès qu'il devenait difficile de les retrouver. Personne ne m'aimait, j'en étais convaincue.

J'ai survécu ainsi environ un mois, peut-être plus, peut-être moins, je n'en sais rien. Un jour, je n'ai plus eu la force de me lever. Instinctivement, je savais que la fin était proche. Pourtant, alors que mes yeux étaient à demi fermés, je vis une forme noire traverser vivement mon champ de vision. Les réflexes affutés par ma vie sauvage, je me redressai d'un coup, l'oeil et l'oreille aux aguets. Quelque chose de noir, une main gantée sûrement, posa de la viande crue devant moi. Sans faire attention à mon sauveur, je me jetai dessus et l'avalai en trois bouchées. Ensuite, sous le contrecoup de l'adrénaline qui m'avait agitée, l'épuisement revint, et je perdis connaissance.

Aestylam releva la tête de son parchemin. Le plus dur était passé... Non, en fait, non, le plus dur était à venir. En tout état de cause, il fallait reprendre la plume. Elle s'était juré d'écrire son histoire, alors elle l'écrirait...

Lorsque je me réveillai, il faisait sombre. La nuit était-elle déjà tombée ? Réflexion faite non, les lumières de l'après-midi brillaient toujours, à l'extérieur. J'étais dans une grotte. Sachant toutes les créatures dangereuses qui pouvaient s'y trouver, je me levai brusquement. A ce moment même, une pression douce mais ferme s'exerca sur mon épaule. Je tournai la tête et, horreur ! vis qu'il s'agissait d'un dragon noir, espèce réputée particulièrement dangereuse ! Pourtant, bien que j'aie sursauté, je me repris vite en voyant l'air bienveillant qu'elle (j'en étais sûre, il s'agissait d'une femelle) avait sur son visage (elle avait l'air tellement humain...). Elle prit ensuite dans sa bouche de la viande qui trainait par terre et me la donna. Je la pris et la mangeai avec un mélange de gêne de devoir la vie sûrement à une créature que j'avais méprisée et crainte toute ma vie, et de soulagement de n'avoir pas à parler. Car c'était elle qui m'avait sauvée, et je ne savais pas comment lui exprimer ma reconnaissance.

Soudain, un cri retentit dans la caverne. Le regard empli de tendresse du dragon se détourna alors de moi. Elle prit encore de la viande qui se trouvait au sol et partit plus loin dans la grotte. C'est vrai qu'il y avait beaucoup de viande... Bien entendu ! Elle avait des petits, et c'est son instinct maternel qui l'a poussée à me secourir !

Sur ces pensées, je me détournai, à la recherche d'une eau pour soulager ma soif. Je vis alors une flaque d'eau claire sur le sol de la caverne, m'accroupis, mais ne pus boire. La vue de mon reflet m'avait sauté au visage. J'étais devenue une loque humaine, pâle et décharnée, mes vêtement étaient en lambeaux, et mes bras comme mon visage étaient couverts d'égratignures. L'humanité, en m'abandonnant, avait fait de moi... ça.... C'était décidé, l'humanité ne valait pas que je m'y intéresse à nouveau.

Je frappai dans l'eau de manière à brouiller mon reflet, et bus tout mon soûl. Cette eau, à mesure qu'elle me redonnait pleinement la vie, m'éloignerait définitivement, songeai-je, de mes abominables congénères.

Mes premiers temps en compagnie des dragons furent difficiles. En effet, non seulement je ne comprenais pas ce qu'ils diasient, et n'avais par conséquence aucune idée de ce qu'ils préparaient, mais encore je n'étais pas habituée à leur mode de vie. En effet, comme je le compris très vite, les dragons s'identifient par rapport à un clan, une famille, une meute... Ils sont très tendres et protecteurs envers les autres membres du clan, mais cruels et intraitables envers tout ce qui leur est étranger, c'est cela qui leur a valu une réputation de bêtes dangereuses et malfaisantes.
Tout me laissait à penser qu'il me considéraient comme une des leurs, pourtant, je ne pouvais chasser aussi bien qu'eux, aussi je leur fis profiter des savoirs que je détenais. Ainsi, je fabriquai avec de la terre des récipients, fis du feu pour cuire les aliments (ils ne peuvent pas souffler le feu trop longtemps...), cuisinai un peu, comme je le pouvais... Au départ, parce que je pensais que si j'étais un poids, ils me rejetteraient. Ayant vu ce qu'ils faisaient à tout ce qui ne faisait pas partie de la meute, ce qui m'avait terrifiée au début, et me fit longtemps faire des cauchemars, j'avais trop peur pour leur donner une seule raison de m'écarter de leur tribu.

Malgré ces peurs, je commencai vite à jouer de temps à autres avec les dragons les plus jeunes, bien que je ne comprenne pas leurs noms, pendant que la mère et les deux aînés partaient chasser. Vu ma rapidité toute relative face à la leur, les jeux de poursuite n'avaient pas grand intérêt, aussi jouiions nous le plus souvent à nous cacher... Les dragons, malgré leur taille, sont excellents en camouflage, et j'avais au moins autant de mal à trouver leur stature imposante au milieu des rochers sombres de la montagne qu'ils n'en avaient à trouver mon corps frêle et léger parmi les hautes herbes... Mais ils ont aussi une excellente vue, ce qui ne pouvait que les aider.
En outre, ils ont une intelligence très développée, et je voyais souvent mes deux "amis" discuter longuement sans que je puisse comprendre un mot de ce qu'ils disaient... Un jour, au printemps suivant l'hiver de mon adoption, et comme le plus âgé des enfants de ma mère adoptive était resté joué avec ses jeunes frères, au sortir de plusieurs minutes d'une conversation amusée, l'aîné me tourna le dos et s'accroupit. Ne comprenant pas ce qui se passait, j'observais passivement, mais soudain le benjamin me poussa vers son aîné. C'est alors que je saisis ce qui se passait.

Je montai maladroitement sur le dos du dragon noir de plus de deux mètres, et me calai sur ses épaules, m'agrippant aux quelques saillies le long de son cou grâcieux. Il tourna sa tête vers moi d'un air de me demander si j'étais prête ; pour toute réponse, je souris et raffermis mon étreinte.

Après plusieurs essais infructueux et autant de brouillons noircis, Aestylam se lança enfin dans ls version définitive d'un des points clés de son récit...

Dans une secousse, ses pattes trapues déployèrent leur puissance phénoménale, mettant en mouvement nos deux corps dans une chevauchée fantastique.
Nous prîmes rapidement de la vitesse, et, lorsque les arbres qui bordaient la clairière se fondirent dans une masse verte rendue par la vitesse indéfinie, les immenses ailes du dragon commencèrent à majestueusement battre l'air. Le vent me fouettait le visage, et j'usais de toutes mes forces simplement pour rester en place, mais réalisai à quel point ces efforts en valaient la peine dès que nous nous élevâmes du sol.
Dès lors, l'appréhension qui me nouait les tripes, sans toutefois disparaître, se trouva éclipsée par une sensation formidable. Une excitation sans précédent, qui m'exaltait à un point jusque là inconnu. Je volais, et, même si pour l'instant seuls quelques mètres me séparaient du sol, je n'y était plus rattachée. L'emprise étouffante de la Terre m'avait relâchée, et je volais, je volais ! libre enfin de toutes lois et de tous soucis. Tout mon corps ne tremblait plus de peur mais de délice : JE VOLAIS ! Le rêve d'Icare réalisé par une toute jeune fille, aux temps où seuls quelques êtres exceptionnels avaient pu monter à dos de dragon...
Rapidement, la clairière m'apparut dans son entier. Le paysage que je côtoyais quotidiennement depuis déjà plusieurs semaines prenait de nouvelles proportions à mesure que mon regard s'élargissait : la rivière dans laquelle je me baignais devint un simple ruisseau, les collines des inégalités du terrain, les forêts des bosquets, et bientôt, ce fut la vallée toute entière que j'embrassais d'un seul coup d'oeil....
La beauté du paysage, le vent dans mes cheveux sales, mes haillons flottant dans la brise me donnaient une sensation de toute puissance... Plus que jamais grisée par ce vol, je me sentis différente. Changée à jamais en quelques instants. Désormais, celui sur lequel je volais n'était plus un dragon quelconque, mais bel et bien mon frère. Il ressentit ce changement en moi immédiatement, et comme mû par une grande joie commença à virevolter en tous sens. Je riais aux éclats, l'étreignant de toutes mes forces. Il était mon frère.